TCHAD-ONU : L’opération « brûle bérets ONU » menée par les militaires tchadiens de la MINUSMA est une manipulation du pouvoir d’Idriss Deby, mécontent du rapport sur les crimes commis par son armée en RCA et de la prochaine mise en accusation devant la Cour Pénale Centrafricaine.
La forte revendication des militaires tchadiens pour recevoir leurs salaires et primes du fait de leur participation à des opérations de maintien de la paix est tout à fait légitime. Mais ce qui étonne dans cette affaire, c’est la conduite et les moyens très symboliques utilisés.
Tout d’abord, plusieurs actes étonnent ; tout d’abord l’armée tchadienne a une hiérarchie et elle est sous la conduite du Chef d’Etat Major Général des forces armées, bizarrement silencieux depuis le début de la crise, laquelle est gérée directement par Idriss Deby.
S’il est vrai que le contingent tchadien au Mali avait déjà fait parlé de lui, il n’empêche que leur attitude, d’aujourd’hui, tendant à ne pas mettre en cause la gestion du gouvernement tchadien sur la question de leurs salaires et primes, lequel gouvernement est le principal interlocuteur des NU, et qui est à l’origine de leur engagement au Mali, cette prise de position contre l’ONU est totalement suspecte et sent la manipulation à plein nez .
Dans sa lettre de protestation bourrée de fautes d’orthographes, le ministre de la justice au nom du gouvernement tchadien « avait menacé de reconsidérer ses relations avec les Nations Unies. » Nous y voilà !
Rappelez-vous, c’était en 2013, à cette époque, le contingent tchadien évoluait sous la bannière de la MISMA.
Le financement de la MISMA était assuré par l’ONU et par la CEDEAO.
Lors du déclenchement de la guerre au Mali, le Tchad avait pris, lui-même, la folle et absurde initiative de préfinancer sur son budget, le déploiement de ses troupes au Mali. Idriss Deby voulait s’assurer une légitimité sous fond de lutte contre le terrorisme.
Il faut souligner qu’aucun pays participant à cette MISMA n’a pré-financé quoique ce soit sur son budget. Le Premier ministre tchadien a évoqué le chiffre de 56,7 milliards de francs CFA (environ 87 millions d’euros) dépensés en trois mois. Et comme l’ont souligné bon nombre de députés tchadiens,c’est beaucoup pour un pays en pleine crise sociale avec des problèmes d’eau, d’électricité, de santé.
En septembre 2013, le Tchad a préparé un mémorandum d’entente qui a été remis à l’ONU pour obtenir un remboursement de toutes ses dépenses. L’ONU avait déjà versé sa quote part à la MISMA, il restait la part de la CEDEAO. Idriss Deby menaça de se retirer du Mali si la CEDEAO ne paye pas sa part. On se rappelle aussi les échanges musclés entre Deby et Ouattara alors Président en exercice de la CEDEAO lors d’un sommet à Abidjan. Lors de cette réunion, le président de la Commission de la Cédéao, le Burkinabé Kadré Désiré Ouédrago avait démenti les propos de Deby et exigé des comptes clairs pour un remboursement des frais engagés par le Tchad considérés comme exagérément gonflés.
Ce qui est étonnant, dans cette affaire, c’est qu’il y a un mécanisme très clair établi par la MINUSCA (EX-MISMA ) et qui est le même pour toutes les forces intervenant dans cette opération. Pourquoi, dés lors, il n’y a que le contingent tchadien qui a des problèmes de non paiement de salaires, de primes etc. Pourquoi ?
Le département des Opérations de maintien de la paix de l’ONU est très clair.
La MINUSMA n’est pas responsable du paiement des salaires ou des primes de ses casques bleus. Tous les trois mois, les Nations unies remboursent les Etats contributeurs de troupes selon un forfait de 1028 dollars par mois et par soldat déployé. Sur les 1028 dollars par mois, prévus par soldat, soit plus de 500.000 francs CFA ; seulement 200 dollars, soit environ 100.000 francs CFA, peuvent être prélevés par les Etats.
Autrement dit, deux règles régissent le mécanisme mis en place : Chaque soldat reçoit 500 000 francs CFA par mois sur cette somme , son pays peut prélever 100 000 francs CFA pas plus, pour différents frais éventuels et doit donc obligatoirement payer 400 000 francs à chacun de ses soldats .
Seconde règle, le paiement par les Nations Unies se fait tous les 3 mois à chaque pays. Cela signifie que chaque pays paie chaque mois 400 000 francs à chacun de ses soldats et est remboursé tous les 3 mois.
En cas de décès pendant sa mission, la famille du soldat décédé reçoit 25 millions de francs de FCFA. C’est l’occasion de s’interroger ; les tchadiens qui ont payé le plus lourd tribut dans cette opération, leurs familles ont –elles touché réellement chacune 25 millions de francs payés par la MINUSMA ? Certainement pas !
Le gouvernement béninois, beaucoup plus transparent et plus digne dans la considération qu’il porte à la mémoire de ses fils tués au Mali, a fait cette annonce officielle devant le parlement béninois répondant à une question d’un parlementaire sur le salaire, les indemnités versés aux familles en cas de décès lors des opérations de la MINUSMA. C’était lors du décès d’un parachutiste béninois. Il a aussi précisé qu’un comité ad hoc avait établi des compensations qui seraient versés aux militaires blessés en fonction du degré de leur invalidité.
Voilà la vérité des chiffres, et il urge de savoir ce que le contingent tchadien a reçu ou non. Par rapport au Tchad, les responsables de la MINUSCA ont eu plusieurs problèmes.
Tout d’abord, le nombre de soldats tchadiens sollicités par la MINUSCA est de 850, or, le Tchad en a envoyé 1200, c’est dire l’empressement d’Idriss Deby a utilisé cette affaire. Ensuite, le Tchad n’avait pas un Etat Major competent ,et soucieux d’accomplir les formalités bien avant les écheances pour que l’argent soit décaissé. Les doléances en ce qui concerne la nourriture, l’eau, la santé et les conditions de vie au Mali sont bien traitées par tous les pays sauf par le Tchad. La composition de son Etat Major laisse à désirer et les responsables des NU savent que les salaires et primes sont encaissés régulièrement par le gouvernement tchadien, qui s’est bien gardé, de dire quoique ce soit contre les Nations Unies et qui a poussé la troupe dans la rue en criant contre l’ONU. Notre compatriote Mahamat Saleh Annadif , Représentant du Secrétaire Général des NU au Mali a été reçu par Idriss Deby, il y a quelques jours au sujet de cette affaire.
Les soldats tchadiens doivent comprendre que le pouvoir d’Idriss Deby a, non seulement détourné leur argent en leur payant un petit pécule alors qu’il percevait les montants alloués par les NU, que ce régime a aussi trompé les familles des soldats tués au Mali , en ne leur versant pas leurs indemnités . Un tel régime ne fait que les utiliser comme de la chair à canon, cyniquement pour ses propres intérêts et sa survie.
Les Nations Unies répondent à des gouvernements quand ceux ci portent des accusations à leur endroit , ils ne peuvent réagir à des mouvements d’humeur désordonnés. Alors si, la revendication est légitime, elle doit se faire en direction du gouvernement ,du ministère de la Défense, de l’Etat Major des Forces Armées qui sont les autorités qui les représentent et certainement pas dans la rue, en brûlant des symboles des Nations Unies, c’est de l’agitation politique !
La Rédaction de Zoomtchad.