Le récent remaniement ministériel s’est signalé par le maintien des hommes du système Deby, noyau dur du régime, rassemblés autour du clan familial et complétés par celui de la belle famille. Des permutations entre certains portefeuilles ministériels au gré des désidératas du chef sont à signaler. Deux entrées dans ce gouvernement ont été remarquées.
Il s’agit tout d’abord du cinéaste Mahamat Saleh Haroun, connu pour sa proximité avec la dictature tchadienne, il prend en charge le ministère du tourisme. Manifestement, Deby souhaite un retour sur investissement par rapport au film réalisé sur le procès Habré. Le régime Deby cherche à utiliser le cinéaste pour « polir » son image par le biais de ses interventions dans les réseaux médiatiques de la francafrique. Mahamat Saleh Haroun quant à lui, a bien mesuré que le prix obtenu pour son film est à mettre sur le compte d’une prise en main de celui-ci par la coopération française et le cercle des ONG occidentales, que le créneau justice internationale correspondait à la politique françafricaine du moment et que celle-ci a abouti à un véritable désastre, et traverse une grave crise et un discrédit total.
Force est de constater que HRW a réécrit et posé ses conditions pour assurer la promotion et diffusion de son documentaire à charge du procès Habré, sur les chaînes européennes. Ainsi donc, après avoir bénéficié d’une réputation largement surfaite, Mahamat Saleh Haroun doit gérer l’avenir, et nous démontrer, enfin, son talent… C’est pourquoi rajouter sur sa carte de visite « Ministre », c’est très utile, sans compter la possibilité de gérer un budget et bien sûr, comme faisait remarquer quelqu’un paraphrasant les célèbres mots lorsque un artiste se met au service d’une dictature sanglante :
« AVIDA PETRODOLLARS ! » Avant même d’avoir pris fonction, Mahamat Saleh Haroun a accordé une interview à la presse française dans laquelle, il affirme : « ne pas vouloir être assimilé à la diaspora tchadienne qui, selon lui, est confinée dans un débat stérile. Pas plus qu’il n’est un rebelle qui, selon lui « se tient à l’écart du monde et ressasse les mêmes litanies »; il est plutôt quelqu’un qui s’engage, quitte à négocier avec la réalité … » La journaliste l’interroge sur les violations des droits de l’homme sous Deby et la disparition d’Ibni Oumar Mahamat Saleh, « votre homonyme » dit la journaliste. Le cinéaste politicien précise : « Je n’ai pas de lien de parenté avec Ibni Oumar Mahamat Saleh. » Rappelons que la journaliste a juste parlé d’homonymie. « J’étais à Ndjaména, en cette période, je suis tombé sur les rebelles alors que je ramenais des français à la base militaire. Ceux qui s’intéressent à cette affaire, n’ont qu’à venir sur place et enquêter en profondeur », répond Mahamat Saleh Haroun. Pouvait-il ignorer que l’enquête internationale menée par la Francophonie a bien pointé la garde présidentielle et que DEBY lui-même a reconnu sur Europe 1 avoir ordonné son arrestation ? Non, assurément non. L’opportuniste cinéaste a déjà commencé à dérouler la théorie de l’entrisme gouvernemental. Que nous dit-il sur le tourisme au Tchad ? Nous avons deux sites classés: le Lac d’Ounianga et le Massif de l’Ennedi, destinations idéales pour le tourisme. Il nous promet des avions pleins de fortunés touristes.
Il est bon de reconnecter le nouveau ministre à la réalité du système Deby et aux conséquences désastreuses d’une politique ethniciste où, comme du temps de Tombalbaye, le non-développement de régions entières, laissées à l’abandon, appauvries, est parfaitement pensé et appliqué. Comment le cinéaste peut-il développer le tourisme dans des régions dépourvues de réceptifs décents, d’eau potable, d’électricité, de postes de santé, d’infrastructures de transport, de télécommunications, de réseaux d’assainissement et d’évacuations des ordures ménagères… On le voit, totalement incompétent, ignorant ou faisant semblant d’ignorer cette terrible réalité à laquelle il devra pourtant faire face. En réalité, le bonhomme s’est déjà positionné, alerte à polir l’image du régime autiste d’Idriss Deby. La journaliste évoque une récompense après le documentaire à charge sur le procès Habré et l’interroge sur ses besoins d’argent et s’il y a des arrangements avec Déby. »Idriss Déby m’a promis des moyens financiers pour mon ministère, mais je n’ai pas encore des chiffres », Ah, oui! Les pétrodollars font déjà saliver.
Zoomtchad suivra donc attentivement le nouveau fou du dictateur Idriss Déby dans son positionnement politique et médiatique à vouloir masquer la face hideuse et criminelle du régime.
L’autre visage qui plonge tête baissée dans la mare sanglante du régime Déby est le professeur Ahmat Mahamat Hassan, ancien greffier, magistrat et actuellement professeur d’université. Homme des médias, il s’est signalé très souvent sur les plateaux d’ Électron TV, la chaîne « privée » du régime, mise en place pour favoriser les Tchadiens originaires du Sud en termes d’emplois, de recrutement, de thèmes d’émission, d’invités sur les différents plateaux ; histoire de les « calmer », ainsi a été conçu le cahier de charges d’Electron TV par les cerveaux du pouvoir Deby. Le nouveau ministre de la justice, le professeur Ahamat Mahamat Hassan participait souvent en tant que politologue au débat sur des thèmes d’actualité d’Electron TV. S’exprimant d’une voix forte, autoritaire, préparant bien ses interventions, il avait le souci de réussir ses prestations. Avec agilité, il évitait soigneusement de critiquer le régime, sans pour autant l’encenser. Il restait sur le sujet pour le décortiquer avec sa science juridique. Ce qui fait qu’on restait un peu sur l’expectative concernant ses positions politiques. Ce temps est bien révolu et de l’eau a bien coulé sous les ponts, et les lignes politiques du professeur se sont rapprochées des vertes prairies du MPS. Bien avant sa nomination comme ministre, sa présence sur le plateau du 20H00 du journal télévisé de télé Tchad était un signe révélateur; il était là pour commenter que dire magnifier l’élection de Moussa Faki à la présidence de la Commission de l’UA. Nos oreilles ont littéralement été mitraillées par une batterie d’arguments ou pseudo arguments pour nous démontrer l’exploit d’Idriss Deby et les compétences personnelles de Moussa Faki. Pas de place pour l’analyse juste de ce résultat, pas de place pour la mesure, sauf pour la fausse assurance et le verbe haut du nouveau converti. Le professeur était en mission commandée, pour séduire et enfler la tête de Deby. Et le voila, promu ministre de la justice. Ainsi fonctionne le pouvoir d’Idriss Deby. Ministre de la justice, le Professeur Ahamat Mahamat aura en charge les droits humains, un vaste chantier dans un pays où règne la loi de ceux qui ont le pouvoir, où les crimes sont monnaie courante que ce soit pour s’emparer d’une moto d’autrui ou à l’occasion d’un conflit banal. Un pays où la caste au pouvoir et ses alliés détournent des milliards, sont arrêtés un moment puis libérés sans procès, ensuite renommés à des postes de responsabilité pour continuer à détourner l’argent public. Nous verrons comment le nouveau ministre réagira face aux innombrables rapts de jeunes lycéennes victimes de viols qui sont organisés et exécutés comme une arme de répression ethnique contre des populations ciblées. A suivre…