Jeune bachelier, Acheikh Ibn Oumar, titulaire d’une bourse d’études de l’Etat tchadien, débarque à Paris, en France. De nombreuses années passées dans ce pays sans le moindre résultat universitaire. Son avenir bouché, il décide de quitter la France pour débarquer à Tripoli (Libye) pour rallier le mouvement de rébellion dirigé par Goukouni Oueddeye. Au pays de Kadhafi, jouant de ses affinités arabes, il s’est très vite rapproché d’Acyle Ahmat, Chef du groupe rebelle CDR (Conseil Démocratique Révolutionnaire) d’une part, et des dirigeants libyens d’autre part. Soupçonné de trahison, Goukouni le fait arrêter et expédier, mains et pieds liés, dans un trou perdu totalement isolé, entre Yebbi-Bou et Gouro où il est soumis à un interrogatoire digne des méthodes du KGB soviétique. Acheikh, intarissable vida son sac, reconnut ses intrigues et ses actes de félonie, « donna » ses complices et tous ceux avec lesquels il entretenait des relations traîtresses. Mais les pressions de Kadhafi furent si fortes que Goukouni, contre son gré, libéra Acheikh qui, de retour en Libye, retrouve les siens, se fait soigner et reprend ses activités tortueuses. Désormais, il va se consacrer d’une part, à la marginalisation du groupe de Goukouni qui, au moins à deux reprises (agression armée à Faya et tentative avortée de coup de force à Ndjamena), échappa de peu d’être éliminé de la scène politico-militaire.
Grâce au soutien multiforme du « Guide » et de quelques-uns de ses proches collaborateurs, Acheikh devient le numéro 2 du CDR, donc le plus proche collaborateur d’Acyl Ahmat et ce, au détriment de son concurrent Rakhis Manani qui pourtant était beaucoup plus influent au niveau de la base, autrement dit, plus populaire. Désormais, bien plus qu’auparavant, l’homme, supposé proche de son chef, pouvait mieux déployer ses intrigues, tout en travaillant sous l’ombre de ce dernier et en affichant sa loyauté. Connaissant bien l’arabisme de Kadhafi, Acheikh jouait ostensiblement et à fond sur cette carte.
Arriva ce qui devait arriver : La mort tragique et jamais clairement élucidée d’Acyl Ahmat Aghabash. Curieusement et très vite, on a répandu le bruit selon lequel ce dernier aurait été décapité par l’hélice – lors de sa descente – de l’avion qui l’a transporté dans le sud du Tchad. Une histoire à dormir debout qui n’a convaincu personne, sauf ceux qui voulaient l’être. Du reste, une enquête faite discrètement dans le milieu de l’aviation conclut fermement que c’était une hypothèse fantaisiste. Faut-il rappeler que la mort d’Acyl intervint à un moment où des négociations discrètes entre lui et le Président Hissein Habré avaient pratiquement abouti à leur réconciliation et partant le retour à la légalité de son groupe.
Sous l’impulsion du nouveau dirigeant, le CDR de feu Acyl Ahmat devint purement et simplement un sous-régiment de l’armée libyenne. Toutefois, perçus comme des « sous-arabes », ils sont méprisés, traités davantage en mercenaires qu’en frères. Une situation très mal vécue par ces Tchadiens quotidiennement humiliés et blessés dans leur fierté. Et, l’atmosphère va changer totalement suite aux attaques des FANT contre les garnisons libyennes de Fada, Ouadi-Doum et autres, en particulier la destruction, en territoire libyen, de la base de Maatan Sarra. En effet, les Libyens reprochent alors à leurs protégés d’avoir manqué de combattre loyalement à leurs côtés, et, ils le leur font savoir sans ménagement. Des mesures punitives sont prises, notamment la diminution drastique des vivres, de l’habillement, de carburant… En fait, les Libyens ne voulaient plus d’eux et ils le leur font savoir à toute occasion. Aussi, rejetés par leurs protecteurs, privés de moyens auxquels ils étaient habitués, Acheikh et ses hommes ont décidé, pour éviter le pire, de quitter leur position et prendre la route du Soudan. Les Libyens n’ont pas jugé utile de leur demander vers où ils partaient. Ils n’ont même pas eu un simple regard pour savoir vers où, en quelle direction leurs amis ou frères d’hier se dirigeaient.
Aussi, une fois entrés en territoire soudanais, pris en charge par les Autorités du pays, et grâce à l’entregent de ces dernières, des contacts furent pris avec des Envoyés spéciaux du Gouvernement tchadien ; contacts ayant jeté les bases d’un accord de paix et de réconciliation conclu ultérieurement à Bagdad (Irak). Après quoi, Acheikh et ses hommes ont regagné le Tchad où un accueil chaleureusement fraternel leur a été réservé. Sans perte de temps et dans le souci de leur éviter toute attente frustrante, ils ont tous été intégrés dans les différents rouages étatiques. Ainsi, Acheikh a été honoré par sa nomination au poste prestigieux de Ministre des Affaires Etrangères. Ceci certes, pour le récompenser du rôle positif qu’il a joué dans le processus de réconciliation et de la paix, mais le geste constituait aussi un signal fort lancé à l’opinion nationale et internationale quant au sérieux et la sincérité du message de paix et de réconciliation nationale que le Gouvernement tchadien émettait à intervalles réguliers. Acheikh est resté à son poste jusqu’à la chute du régime Habré. Et, il a immédiatement, sans le moindre scrupule, rallié le nouveau régime et en lui offrant ses bons et loyaux services. Après avoir travaillé quelque temps à Ndjamena, notamment à la Présidence comme Conseiller spécial du Prince, puis Ambassadeur du Tchad au Canada, Acheikh se rend en voyage privé au Niger, passe un certain temps en Afrique de l’Ouest, et l’on apprend qu’il est en France en quête d’un asile politique. Sa situation, grâce au coup de pouce des Services spéciaux français, sera rapidement régularisée.
Son séjour en France stabilisé, il décide de faire un tour au Soudan où la rébellion tchadienne fortement soutenue par le régime de Omar Al Béchir, menaçait sérieusement le pouvoir Déby. Il va y jouer un rôle divisionniste en rassemblant autour de sa personne et sur la base ethnique, nombre de Combattants arabes, des anciens du CDR et autres. Toutefois, des échecs successifs de la Rébellion, il tirera la conclusion que cette dernière n’a plus d’avenir. Dès lors, il regagnera son nid douillet parisien.
En France, il se démène comme un beau diable pour se créer une virginité politico-intellectuelle en rayant d’un trait rouge tout son passé. Un passé si négativement chargé qu’il a honte de s’en souvenir et encore moins d’en parler et ce, même en privé, en tête à tête et entre quatre murs. Beau parleur, démagogue, sans principes ni règles de conduite, il vivait en SDF en bivouaquant chez les familles tchadiennes. Est-ce étonnant qu’il soit incapable de fonder une famille, bien qu’arrivé non loin de l’âge de la retraite. Faute de mieux, il s’est mis au service de la françafrique, occupant de temps à autre les plateaux de TV françafricaines notamment France 24, TV 5 ; et, désormais il joue au politologue, à l’intellectuel donneur de leçons, dans le style littéraire de l’ethnologue, voire de l’Administrateur colonial. Devenu un pacifiste d’occasion, invité régulier des média françafricains, il déclare une sorte de guerre médiatique insidieuse, donc qui ne dit pas son nom, contre tous ceux qui sont tentés de faire la guerre à Deby. En effaçant de sa mémoire son passé de Révolutionnaire, de Rebelle et ce, au nom d’un pacifisme de brocante de très mauvais goût. Pourtant, il est si discret notamment sur le sort des jeunes Tchadiens qui servent de chair à canon à ses amis Français au Mali, ou vendus aux Saoudiens et aux Emirates d’Abu Dhabi pour aller mourir au Yémen !
Monsieur Acheikh, vous manquez horriblement de recul historique, car, la guerre et la paix sont les deux faces d’une même réalité, à savoir selon la formule consacrée : la guerre n’est que l’action politique conduite par des moyens violents. Depuis que le monde est monde, paix et guerre ont cheminé, l’une jamais loin de l’autre, l’une n’a jamais existé sans l’autre. Il ne s’agit pas ici de faire l’apologie de la guerre qu’aucune personne censée et seine d’esprit aime ; mais, il peut arriver que les circonstances imposent cette violence totale appelée guerre comme l’incontournable voie de salut. Et, c’est bien le cas aujourd’hui du Tchad sous le régime Deby.
Monsieur Acheikh, vous avez servi les régimes Goukouni, Khadafi, Habré, Déby et, il n’y a guère longtemps vous étiez à Khartoum, au Soudan, l’un des responsables de la rébellion armée anti-Déby. Mais, aujourd’hui, vous portez les habits putrides de la françafrique et menez votre lâche et puante guerre médiatique contre tous ceux qui ont opté pour l’unique et seule voie à même de mettre fin à la tragédie sans nom que subit le peuple tchadien durant bientôt trois décennies.
Monsieur Acheikh, faire montre d’un peu de sagesse vous est-il si difficile ! Certes, n’a-t-on pas dit : chasser la nature, elle revient au grand galop ! En effet, on vient d’apprendre que le bonhomme, psychologiquement dérangé, venait de succomber, une fois de plus, aux promesses mirobolantes de Deby. On dit que le satrape du Tchad serait très content de sa pêche, compte faire grand bruit à l’occasion du retour au bercail de son ex Conseiller et entend lui octroyer une juteuse sinécure.
Au fait, que M. Acheikh compte mettre dans le panier des retrouvailles avec Deby ? N’ayant pas de base sociale, il ne peut apporter que ce qu’il a, c’est-à-dire l’usage de son bagou. Tenez-vous bien, il venait d’en donner un tout petit bout : En arabe littéraire que peu de Tchadiens comprennent, l’infatigable transhumant a cru devoir faire un clin d’œil – en peu de mots sur son ralliement à Deby -aux militants et activistes de l’arabophilie de plus en plus présents et actifs sur la scène politique, réclamant à gorge déployée leur part de butin national, à savoir précisément le gâteau pétrolier que Deby considère comme lui appartenant à titre personnel et exclusif.
Monsieur Acheikh, ne serait-il pas temps d’arrêter votre aussi honteuse que pitoyable, et aussi désastreuse qu’interminable transhumance politique.
Par Dr. Faroukh Idriss