La visite de deux jours au Tchad d’Emmanuel Macron a surpris plus d’un observateur quand on sait la tempête qui souffle dans l’hexagone contre Macron prit en étau dans la crise des gilets jaunes. Le Président Français a annulé certains déplacements en Europe, pour rester en France et essayer de trouver des solutions pour apaiser le climat. Il a fallu un attentat pour qu’il puisse sortir dans la rue, aller au contact des Français, lui qui s’était terré à l’Elysée pendant deux semaines cristallisant autour de sa personne toutes les colères des gilets jaunes.
S’il est vrai que traditionnellement les Présidents français réveillonnaient avec les militaires français à l’Etranger, comme Macron lui même l’a fait l’année dernière à Niamey, il n’en demeure pas moins que le contexte politico social au Tchad et en France, ne se prêtait guère à une visite.
Même si, on peut penser, que ne pouvant se balader chez lui au risque d’essuyer des « Macron démission » le Président français tente par cette visite au Tchad de remonter la pente, par le biais d’une activité à l’international sous le flambeau de la lutte contre le terrorisme, une lutte devenue désormais un facteur d’unité entre une classe politique et médiatique totalement désavouée et une classe moyenne nombreuse en état d’insurrection contre le système politique dominant.
Aller au Tchad, apporter une caution politique à un pouvoir usé, un Etat en faillite, une économie en banqueroute totale, pour le faire, il fallait que le jeu en vaille la chandelle. L’argument du Tchad allié de la France dans la lutte contre le Terrorisme est désormais un CD rayé. Il faut donc chercher une autre raison à cette visite. Une visite qui a bien entendu, été récupérée par les voix du régime sur le net ou ailleurs pour souligner le soutien politique de Macron au pouvoir d’Idriss DEBY pris à nouveau en tenailles par des groupes de rébellions au Nord et à l’Est. Le discours politique du Président français a été ainsi expurgé de tous les points qui fâchent : démocratie, bonne gouvernance, respect des droits de l’homme, dialogue, paix, gestion saine et transparente des deniers publics. Cette posture du Chef de l’Etat affiche sa volonté de ne pas fâcher la dictature d’Idriss Deby, c’est pourquoi les dessous de ce déplacement du Président français sont à chercher dans la situation qui prévaut en RCA, laquelle situation est devenue préoccupante par les accords de défense signés avec la Russie. Cette incursion russe dans le pré carré francophone et dans un pays stratégique au sein de l’Afrique Centrale risque de faire tâche d’huile et d’opérer un virage important dans le jeu des alliances stratégiques mais aussi et surtout dans l’accès aux richesses minières de la RCA encore largement sous exploitées ou pillées par les réseaux françafricains .
Totalement handicapée par le retrait de ses bases militaires de la RCA, le pouvoir français est très inquiet autant dire que les vieux démons sont de retour. Idriss DEBY est de nouveau actionné pour agir militairement en RCA. Rappelons que l’armée tchadienne a défait le pouvoir d’Ange Felix Patassé pour le remplacer par le général Bozizé car telle était la volonté de la France, puis, quand la France a demandé le lâchage de Bozize pour Djotodia, l’armée tchadienne est intervenue à nouveau contribuant à semer le chaos et la guerre civile. Des milliers de tchadiens qui vivaient en RCA depuis des décennies ont été massacrés par les milices. Aujourd’hui, le bras armé de la françafrique Idriss DEBY va reprendre du service pour déstabiliser la RCA par la reprise de la guerre, par une nouvelle implication de l’armée tchadienne.
Pour meubler sa visite et apaiser quelque peu, un climat fait de nombreuses tensions internes, la France a payé les salaires des fonctionnaires tchadiens du mois de décembre. Ce geste à lui seul résume la catastrophe dans laquelle est plongée le pays. Et après ?
Ne pouvant réellement aborder la mauvaise gouvernance, les détournements de fonds, le pillage des revenus pétroliers, l’échec de la lutte contre la réduction de la pauvreté, Macron s’est réfugié dans la diversion d’un dialogue avec les femmes tchadiennes. Il a exprimé le souhait que les échanges soient libres et que pour cela, il faille que Hinda Deby Itno ne fasse pas partie de la rencontre !
Cette demande de Macron s’est exprimée quand le Président Deby lui demanda de ne pas recevoir les partis d’opposition ni de répondre à leur interpellation faite la veille de son arrivée par voie de presse.
Hinda écartée d’une rencontre où les médias l’avait déjà annoncée et même souligné les axes de son intervention.
Cette mise à l’écart est un désaveu important dans la mesure où Hinda est aujourd’hui identifiée comme étant une véritable chape de plomb sur la tête des tchadiennes, un frein à la liberté d’expression, inspirant de la crainte aux femmes tchadiennes par les pouvoirs qu’elle détient, exerce et démontre quotidiennement .
Ainsi, s’il fallait remplacer Hinda, il était logique que ce soit la Ministre des femmes qui le fasse. Et pourtant celle-ci fut écartée par Hinda au motif qu’elle ne pouvait contrôler la salle et manœuvrer pour empêcher que le régime d’Idriss Deby subisse les contre coups des interventions. C’est ainsi que le choix s’est porté sur Mariam Mahamat Nour, SGG et apparentée à Hinda pour préparer des panels d’intervenantes qui ont, tour à tour, fait un petit topo sur la situation des femmes à travers les thèmes de l’éducation, de la scolarisation, de la justice, de la participation citoyenne et de l’entreprenariat féminin. Des allocutions qui ont minutieusement évité de lier la situation des femmes au régime d’Idriss Deby au pouvoir depuis 28 ans. La gestion scandaleuse des revenus pétroliers a été totalement passée sous silence par l’ensemble des intervenantes. La modératrice Mme Mariam Mahamat Nour n’a pas été à la hauteur de cette rencontre. En position d’alerte sur le contenu, n’acceptant aucune allusion négative pouvant éclabousser le pouvoir. Elle a ainsi menacé de couper la parole à une intervenante qui soulignait simplement une triste réalité, au sujet des clivages ethniques qui empêchaient les jeunes femmes de choisir librement leur époux et au finish parfois, d’accepter d’épouser leur cousin.
Force est de constater que le choix des intervenantes n’a pas été le fruit du hasard, bien au contraire un sérieux lifting a été fait. Les femmes originaires du grand Nord ; du BET et du Kanem ont été totalement absentes tant au niveau des intervenantes que de celles à qui, Mariam Mahamat Nour a donné la parole, en regardant bien, en sélectionnant, et en filtrant l’air de rien. Cette discrimination ethnique envers les femmes du BET et du KANEM ne nous étonne guère, elle a toujours irrigué les actes politiques posés par Hinda Deby. Qu’attendent les principales intéressées pour clamer haut et fort leur indignation et ne pas accepter cette politique d’exclusion, de discrimination ? Nous ne sommes pas étonnés de voir que la task force de Hinda a eu la parole largement lors de cette rencontre, toute la Cour du Palais rose a trusté la salle.
Les femmes tchadiennes retrouveront leur vie sans soins de santé, sans eau, sans électricité, sans salaires. La misère, la pauvreté aura toujours un visage féminin sous le règne d’Idriss DEBY. Leurs fils, leurs frères et leurs maris iront demain mourir dans les guerres de la françafrique. Et la fausse écoute d’un Président français qui s’est accordé une simple pause, une petite recréation, ne changera rien à leur quotidien dans la mesure où il esquive et refuse de situer les responsabilités dans l’enfer vécu au quotidien par les femmes tchadiennes.
Emmanuel Macron nous a fait une belle démonstration à N’djamena de ce qu’est le cynisme en politique.
La Rédaction de ZoomTchad