Au lendemain du décès du Président Habré, tout le monde a constaté, la montée, en première ligne, du groupe de Paris positionné au sein du CMT pour agresser la famille Habré et les parents en deuil, en tenant des propos très désobligeants. Il s’agissait de M Abderamane Koullamallah, Acheikh Ibn Oumar et Goukouni Weddeye. Leurs sorties lâches parce qu’intervenant à la mort d’un homme, au moment même de sa mort, contrairement aux usages religieux, moraux et coutumiers, ont été déroulées sur les instructions françaises au gouvernement, lesquelles avaient pour objectif de casser l’émotion suscitée par le décès du Président Habré. Ils les ont exécutées avec zèle, mais leurs histoires personnelles les rattraperont tôt ou tard.
Ensuite, nous avons relevé que l’UFDD a inscrit comme préalable à ses négociations avec le CMT, la question de la réhabilitation du Président Habré. Il est fondamental de préciser que nous n’avons jamais discuté de cette question ni sollicité quoique ce soit, sur ce plan, à l’UFDD. Nous l’avons donc appris comme tout le monde.
Quelques précisions très utiles sur cette question.
L’UFDD n’a jamais dénoncé l’acharnement, l’injustice subis par le Président Habré. Ce n’est pas un reproche, c’est un constat. Ce mouvement était totalement libre de définir sa politique et de s’abstenir. Au sein de l’UFDD, la proposition d’inscrire ce préalable a été une initiative personnelle de M. Mahamat Assileck Halata qui agissait au nom de ses propres convictions. Autrement dit, les autres membres de l’UFDD l’ont tout simplement accepté mais ils pensaient tous que leurs intérêts bien compris étaient ailleurs. Cette précision est importante, elle permet de comprendre ce qui va suivre.
Aujourd’hui, que les choses avancent à Doha où il faut sérier les revendications, les mettre sur la table, la question de la réhabilitation posée comme un préalable, a connu un glissement vers la demande de son inscription au Dialogue National Inclusif (DNI). En fait, la réalité de la position de la majorité des membres de l’UFDD y compris de son président a refait surface et c’est ce qui explique, ce glissement vers le transfert de cette question au Dialogue National Inclusif, sans compter, la position du gouvernement et du staff français doublé de celui de la DGSE encadrant les négociations de Doha.
Le grand piège du Dialogue National Inclusif.
Un pouvoir agissant sous les directives de sa tutelle française, présente même à Doha, peut-il réhabiliter le Président Habré ? Un pouvoir qui a pris toutes les mesures pour contrôler la salle du DNI, qui travaille déjà par des réunions en amont, pour la maîtrise des intervenants et de leur discours, ne peut pas agir en toute souveraineté ou équité sur cette question.
Feu Idriss Deby a réhabilité et rendu hommage aux Présidents Ngarta Tombalbaye, Félix Malloum. Ces réhabilitations ont –elles été soumises au Parlement ou a-t-on interrogé les membres de la société civile, les partis politiques, les organisations, les institutions qui seront cooptés et sont à la solde du pouvoir et de la France et qui seront largement présents dans la salle du Dialogue National Inclusif, et qui ont travaillé dans l’affaire Habré pour le compte d’Idriss Deby pendant plus de 20 ans. C’est donc une manœuvre vicieuse, discriminatoire, c’est pourquoi la meilleure façon de compliquer la question est de la soumettre à de nombreuses conditions. L’a-t-on fait pour les autres ? Ceci pour dire que nous ne sommes pas dupes. L’UFDD doit s’abstenir d’évoquer cette question à la table des négociations de Doha ou d’ailleurs. Ce mouvement politico-militaire n’a donc aucune légitimité pour parler de la réhabilitation de feu Président Habré, ayant été totalement absent face aux acharnements subis, face au complot contre Feu le Président Habré et surtout n’ayant reçu aucune demande ni adhésion pour agir. S’il est vrai que la question de l’injustice subie par le Président Habré est une question qui intéresse aussi les populations, ainsi que tous ceux qui ont aussi perdu leurs parents dans le combat pour défendre la patrie. Le régime Deby a empêché tous ceux qui ont versé leur sang, ont perdu leurs frères, leurs pères, leurs fils, leurs époux d’avoir leur mot à dire dans cette affaire. Le pouvoir Deby a étouffé par la menace l’expression des enfants de tous les cadres qui, par milliers, ont travaillé pour défendre le pays occupé mais aussi œuvré à sa reconstruction. La chape de plomb continue sous la direction du Président du CMT. Il est temps que ceux-là défendent la mémoire de leurs parents martyrs, l’engagement et le sacrifice de leurs pères, frères, époux et fils.
On a aujourd’hui, des ennemis qui sont, au-devant de la scène politique nationale, ceux qui ont trahi leur pays pour être à la solde de la Libye et de la France. Quoi d’étonnant que la question de la réhabilitation soit manipulée avec la complicité de l’UFDD, pour l’évacuer ou la rendre impossible. Nous avons au Sénégal, l’exemple du feu Président Amadou Ahidjo du Cameroun décédé en 1989, sa dépouille repose toujours en terre sénégalaise parce que les conditions de son rapatriement ont toujours été jugées humiliantes, d’où le refus de sa famille d’accepter ce traitement honteux proposé par les émissaires du Président Paul Biya. C’est la raison pour laquelle nous défendrons la mémoire du feu Président Habré et n’accepterons jamais un traitement dégradant et humiliant et dénoncerons avec la plus grande énergie les agissements obscurs dans l’exploitation de cette question.
Nous comprenons donc au vu des manipulations sur le dossier Habré que ce Dialogue n’est pas inclusif, bien au contraire. Le CMT est la continuité du pouvoir de Deby, c’est la raison pour laquelle, on veut nous ramener à un débat depuis 1960, oubliant que la Conférence Nationale Souveraine de 1993 l’a déjà fait. En principe, il revient de parler des 30 années du pouvoir d’Idriss Deby, de faire son bilan et de voir ce qu’il a fait de ce pays sur tous les plans. Le CMT est profondément ancré dans la continuité du système Deby, un petit saupoudrage a lieu pour tromper les gens. C’est pourquoi, ce dialogue va neutraliser et parfois exclure tous ceux qu’ils considèrent comme leurs ennemis, ou tous ceux que la France a combattu parce qu’ils ne voulaient pas sacrifier les intérêts nationaux.
L’histoire des Nations et des peuples est parfois soumise à la loi du plus fort, qui réécrit à sa guise l’Histoire, qui, en ayant les moyens financiers, a de fait, la capacité d’acheter les gens pour les soumettre à sa volonté. De faire passer les traîtres à la Nation pour des gens respectables. Nous le voyons, sous nos yeux, chaque jour au Tchad. Mais la roue de l’Histoire tourne, l’éveil des peuples africains a commencé sur de nombreux plans et l’empire françafricain qui ne veut pas mourir ni changer, a lui aussi commencé à dégringoler.
Mme Fatimé Raymonne Habré.
Dakar, le 21 mars 2022