Le régime de Deby a présenté la candidature du Tchad à l’organisation des jeux de la francophonie en 2013, pour une compétition regroupant plus de 70 pays et prévoyant un minimum de 3.500 participants. Quelles sont les chances du Tchad, à travers sa capitale Ndjaména, face à Malabo en Guinée Equatoriale et à la ville de Nice pour la France ?
Les jeux de la Francophonie sont, avant tout, une compétition sportive et culturelle avec bien sûr une dimension politique indéniable. Ils supposent dès lors l’existence d’importantes infrastructures, mais aussi une importante logistique qui les accompagne, sans oublier tout un environnement qui permette à toute la machinerie de fonctionner. Ainsi, à côté des stades, d’espaces pour les manifestations culturelles, il faut prévoir des logements en nombre suffisant et répondant aux normes internationales de confort, sans compter que les participants doivent pouvoir se déplacer facilement dans la ville; ce qui suppose l’existence d’un réseau urbain de transport en assez bon état et qui, en de telles circonstances, devra être renforcé. Le transport aérien est une donnée importante, la desserte de la capitale candidate sera appréciée et ce, en direction de plusieurs destinations compte tenu du nombre important de pays participants. Les moyens de communication, Internet haut débit, téléphonie mobile, liaisons satellitaires avec suffisamment de bornes pour permettre l’envoi des reportages; une télévision bien équipée selon les normes du dernier standard pour que la retransmission puisse se faire sans problèmes et ce, dans le monde entier.
Le système hospitalier sera passé à la loupe à travers sa fiabilité, sa capacité de réaction en matière d’urgences, ses laboratoires, son équipement, son personnel mais aussi sa dotation en stocks de médicaments de toutes sortes pour satisfaire les demandes multiples et variées des sportifs, leurs staffs techniques et autres participants.
Rien ne sera laissé au hasard en matière de sécurité des participants dans un pays aussi dangereux que le Tchad ayant obtenu la note 7 en termes de risque politique, la même que l’Afghanistan ! La sécurité des installations, sécurité et quiétude des participants durant leur séjour. Et enfin, le pôle restauration est fondamental : Y-a-t-il assez de restaurants ? Sont-ils aux normes « standards internationaux » ? Sont-ils assez éparpillés dans la ville ? Sont-ils suffisamment fiables (normes d’hygiène et de sécurité) et capables de répondre à de multiples demandes.
La situation politique du pays sera, elle aussi, examinée de très près, la francophonie s’étant résolument inscrite dans la promotion des droits de l’homme et de la démocratie.
Constatez avec nous que présenter une candidature de Ndjaména est totalement irresponsable, compte tenu de la situation dans lequel est le pays. Faisons, l’état des lieux des différents éléments qui constituent le cahier de charges.
Pour le volet infrastructures, à part l’unique stade de Ndjaména qui est loin de répondre à toutes les exigences d’une compétition internationale de cette envergure, il n’y a rien, bien sûr. La délégation tchadienne s’est engagée à construire un village olympique et à jurer qu’il sera fin prêt.
Le palais du peuple a quelques salles pour abriter des manifestations culturelles mais depuis quelque temps, on a signalé des fissures, faute de maintenance. En matière d’hébergement, où sont-ils les logements? Là aussi, le Tchad s’est engagé à en construire à la pelle…
En ce qui concerne le transport, la capitale Ndjamena ne dispose d’aucun moyen de transport efficace et confortable, pas de réseau de bus, uniquement des taxis et des clandos…dans un état qui laisse à désirer; même un système de locations de voitures aux normes internationales n’existe pas. Quant au transport aérien, il suffit de songer au périple de quelqu’un qui quitte le Benin et qui souhaite rallier Ndjamena, il y arriverait 48 heures voire 72 heures après son envol. La compagnie tchadienne Toumaï qui, au début, a permis quelque espoir, du fait du partenariat avec les Sud-Africains, a totalement plongé depuis que le Tchad a mis fin à ce partenariat, alléché par les résultats réalisés.
Que dire des communications au Tchad ?
D’abord aucune des 4 principales villes du pays ne peut capter la TV nationale; pour le faire, il faut s’équiper d’une antenne satellitaire, autrement dit le Tchadien installé à Paris et celui vivant à Sarh sont logés à la même enseigne. L’équipement existant est totalement archaïque et ne répond pas aux normes de traitement sur place et d’envoi de reportages. Pire, le minimum de techniciens sur place pour apporter une aide aux journalistes étrangers qui souhaitent expédier leurs travaux, fait totalement défaut. Les connexions Internet ont été réduites par de serveurs de capacité limitée avec une interdiction dans certains lieux publics, y compris les hôtels, ceci pour permettre la censure des sites qui dérangent.
La santé au Tchad !
Vraiment, les gens sont complètement fous de penser que le comité de la francophonie va faire courir des risques importants à de milliers d’athlètes dans un pays où par centaines les habitants traversent le fleuve chaque matin et font la queue dans les hôpitaux camerounais sur l’autre rive; un lieu où il n’y aucun appareil de radiographie performant permettant un diagnostic sûr; quant à la possibilité d’un scanner, ne rêvons pas !
Dans un pays où les gens qui ont les moyens, foncent vers l’Egypte, la Tunisie, le Maroc pour un simple accouchement ! Les tchadiens de la diaspora en savent quelque chose, eux, qui sont périodiquement obligés de courir à l’aéroport pour convoyer quelques médicaments à des parents, faute d’approvisionnement normal des officines locales. Aucune structure hospitalière ne fonctionne correctement et tout manque. L’absence de cliniques privées dignes de ce nom qui, ailleurs, pallient l’incurie du secteur public, rend les choses encore plus graves.
Il n’existe aucun laboratoire d’analyses médicales fiable, faute de réactifs et de matériels adéquats, et quant à demander qu’ils aient la norme ISO 15189, c’est du délire !
La restauration
La restauration suppose des installations, un personnel compétent et en bon nombre, qualifié en toutes catégories et un approvisionnement important et varié en vivres. Dès lors, comment penser sérieusement que des gens qui ne sont même pas capables de prendre conscience des lacunes existantes vont pouvoir trouver les moyens d’y remédier. Périodiquement, les femmes tchadiennes vont à Kousseri pour s’approvisionner en légumes et autres condiments.
L’insécurité
La sécurité sanitaire faisant largement défaut, il ne faut pas oublier la sécurité tout court. Une grave instabilité politique caractérise notre pays. Si en 48 h, une rébellion armée a pu traverser tout le pays, parcourir 1.000 kms, et atteindre la capitale, cela pose problème quand cette rébellion existe toujours et menace…
L’insécurité est toujours une question d’actualité à N’Djamena où l’on signale encore ces derniers jours, des rapts de jeunes filles par des hommes armés. Sans compter l’enlèvement d’un français à l’Est du pays. Soulignons que cette instabilité et cette insécurité laissent planer la possibilité qu’à tout moment, des évènements graves peuvent se produire. Par conséquent, on est face à une situation politique qui est synonyme d’incertitude, sans oublier que dans l’affaire de l’assassinat d’ IBNI, la francophonie faisait partie de la commission d’enquête internationale mise sur pied avant d’être plus ou moins écartée par une commission nationale créée par Deby. Cela laisse des traces…
L’électricité
L’électricité représente le cauchemar de tous les Tchadiens. L’incapacité du gouvernement à réduire les problèmes à défaut de les solutionner malgré les milliards injectés pour être détournés. Si la plupart des Ndjaménois se sont résolus à vivre avec des lampes à pétrole et des bougies, les étrangers eux, s’en plaignent sans arrêt; et encore une fois, on voit mal comment on peut donner satisfaction à la candidature du Tchad quand, dans une capitale, on a des coupures qui vont de 6 heures à 23 heures. Que certains quartiers n’ont pas l’électricité 2 mois durant. Autre élément, le Tchad ne peut se prévaloir d’une certaine expérience en matière d’organisation de compétions sportives et culturelles internationales qui pourrait tant soit peu rassurer les sceptiques.
Comité chargé de préparer et présenter la candidature du Tchad a oublié de réaliser un logo !
La composition du comité chargé de préparer et de présenter la candidature du Tchad laisse à désirer, entre amateurisme et copinage, l’ensemble du dossier de la candidature de notre pays s’est limité à des « on va faire ceci, on va faire cela … ». Une longue liste de promesses conditionnées par une capacité financière et une expertise technique qui font largement défaut aujourd’hui. Déjà les recettes pétrolières sont en chute libre, les salaires peinent à être payés, et plusieurs projets financés grâce aux revenus pétroliers sont arrêtés; le gouvernement a récemment institué 2 taxes, l’une sur les communications téléphoniques et l’autre sur les véhicules et le carburant, ce qui est très révélateur de l’état des finances publiques. Partant de ce constat, avec quelles ressources le gouvernement tchadien va t-il financer l’ensemble des travaux d’hercule qui l’attendent pour rendre cette candidature assise sur de simples promesses, plus crédible ? La cellule chargée de cette candidature n’a pas réalisé de logo pour symboliser celle-ci, elle l’a tout simplement oublié ! Totalement perdues, et plutôt inconscientes de l’ampleur des lacunes, les autorités tchadiennes se sont lancées dans l’embauche à prix d’or de personnalités du monde artistique comme Youssou NDOUR, ALPHADI, Didier Barbelivien pour des actions de lobbying afin de porter la candidature du Tchad et le faire gagner.
Le chanteur homme d’affaires Youssou NDOUR a déclaré à la télévision tchadienne qu’il avait été coopté par l’architecte sénégalais ATEPA, conseiller du président Abdoulaye Wade et par ailleurs réalisateur des projets de Deby. On voit d’ici, se profiler l’arnaque qui consiste à confier à ATEPA l’ensemble des infrastructures nécessaires pour l’organisation des jeux et aux 2 autres les manifestations culturelles sans compter les royalties qu’ils vont toucher pour avoir soi-disant promu la candidature de Ndjaména.
Youssou Ndour, Alphadi, Didier Barbilivien, … drôle de lobbying !
Autre ficelle dans la laquelle, se sont laissées enrouler les autorités tchadiennes, c’est que Youssou Ndour et Atepa ont fait miroiter à nos gogos, leur proximité avec le secrétaire général de la Francophonie, leur compatriote et ancien président, Abdou Diouf; quant à Didier Barbilivien, tout le monde connait sa proximité avec Sarkozy. Remarquons qu’aucune de ces personnes ne connait le TCHAD et ne s’est jamais intéressé à lui; en outre, on demeure sans voix quand on apprend de la bouche de Youssou Ndour que c’est Atepa qui est chargé du lobbying pour le Tchad. Pourtant on connait l’ampleur de ses intérêts en Guinée Equatoriale où, sans arrêt et dans toutes ses interventions, il le souligne bien fort. N’est-ce pas, que la Guinée Equatoriale est, elle aussi, candidate à l’organisation des jeux de la francophonie ! D’ailleurs, il se murmure que le double jeu esquissé est scientifiquement mené, car conseil est donné aux autorités de la Guinée Equatoriale de demander un désistement du Tchad dans la mesure où cette candidature est jugée fantaisiste…. par les lobbyeurs que le Tchad paie à prix d’or !! Relevons que depuis le dépôt de la candidature du TCHAD, les personnalités en charge de cette promotion ne se sont exprimées nulle part ailleurs qu’à la télétchad. Drôle de promotion !
Voilà l’état des lieux de la candidature de notre pays, guère reluisante et sans aucune chance d’aboutir sauf à croire aux miracles. Que dire de la candidature de la Guinée équatoriale ? On peut faire le constat que deux candidats issus de la même zone géographique, cela fait un peu désordre. S’il est vrai que ce pays a l’avantage d’être doté de toutes les infrastructures et de ce point de vue, dame le pion au Tchad sans compter qu’il a désormais plusieurs expériences en matière d’organisation de compétitions et qu’il va coorganiser avec le Gabon la CAN defootball 2012, l’on peut souligner une inquiétude en matière de stabilité car plusieurs attaques de mercenaires s’y sont produites, mettant en péril le régime. Sans compter que ce n’est pas vraiment un pays francophone.
Au finish, la ville de Nice a aussi postulé pour ces jeux. Si la question du cahier de charges ne lui pose aucun problème, on pourrait s’étonner que le gouvernement français, dans sa politique de limitation des immigrés, se permette, à l’occasion, d’accorder des visas à la pelle pour rendre possible cette candidature. Mais, si Nice a défendu vaillamment sa candidature c’est que, probablement, les moyens de limiter l’octroi des visas ont déjà été trouvés. La ville de Nice a assurément plus d’atouts pour l’emporter, c’est dommage pour notre pays, mais on ne récolte que ce que l’on a semé.
L’échec de la candidature du Tchad apportera la preuve que 19 années d’un règne sans partage avec des moyens qui n’ont jamais existé dans notre pays, avec un concours financier des différents partenaires jamais atteint, avec un soutien politique se rapprochant à une cogestion du pays de la part de ces fameux partenaires, avec 1.849 milliards de FCFA versés par le consortium pétrolier au Tchad de 2003 à 2008 (chiffres officiels); 19 années qui n’ont permis la réduction de la pauvreté. Et pourtant, c’était l’objectif premier de la Banque Mondiale en soutenant à fond le projet pétrolier. Désespérée, la grande Institution a vite fait de retirer ses billes quand, elle a compris l’échec total de ce projet. 19 années durant lesquelles, Deby et sa clique ont pris l’or et l’argent du peuple et ne veulent toujours pas entendre parler de démocratie et de liberté.
Qu’on ne s’y trompe pas, le peuple tchadien est loin d’être dupe, en février 2008, la ville de N’Djamena a été la cible de la rébellion armée, un véritable cyclone a soufflé sur la ville qui a été entièrement pillée. Deby, visiblement ébranlé, a déclaré sur les ondes en s’adressant à la population : « Je sais que vous ne m’aimez pas, mais pourquoi tout détruire et piller ? ». La même chose s’est produite, un an auparavant, à Abéché où son palais a été entièrement démonté par la population.
Deby n’a toujours pas compris que le peuple tchadien s’en prenait à tous les symboles et moyens de sa tyrannie.
La Rédaction de ZoomTchad