Le Président du CMT a fait une interview sur France 24. Que peut-on en retenir ?
Sur le fond, le contenu, rien de nouveau. Autrement dit, du surplace. Et comme on dit : qui n’avance pas, recule !
Sur l’opportunité même de cet entretien, on peut en discuter. Après le démarrage des échanges avec les politico militaires, les dérapages du porte- parole du gouvernement, était-il nécessaire pour le président du CMT de parler pour finalement répéter ce qu’on savait déjà et donc parler pour ne rien dire. Est-ce nécessaire en communication politique ?
Dans une série de questions bien calées par rapport aux réponses millimétrées données par Mahamat Idriss Deby, on a bien compris l’effet recherché : la volonté de montrer une prestation réussie, synonyme, semble-t-il, pour les maîtres à penser, de capacité à diriger le pays.
N’oublions pas les petits miracles des logiciels de montage, aussi, attendons un peu, pour être sûrs que le fils a déjà dépassé feu le père, qui n’était pas un as de la communication.
Au sujet de la question primordiale de la paix, le Président de la transition a fait reculer le processus en tenant à traiter de mercenaires, les hommes du FACT. Et en exigeant d’eux, un désarmement préalable. Mahamat Idriss Deby a répété cette position déjà énoncée, en terre française, pour bien signifier que sa position n’a pas changé malgré le début des pourparlers avec les politico-militaires.
Manifestement, en mettant en avant cette position, le Président du CMT ne veut pas dialoguer, il cherche à imposer ses conditions.
Est-il en position de les imposer ?
Ces derniers mois d’importantes dépenses en achats d’armes, de blindés auprès de fournisseurs français, ont asséché le Trésor public. La tutelle française s’est fait plus lourde par la présence au Qatar de Jean Yves le Drian pour gérer le dossier du financement du Dialogue.
Autrement dit, malgré le blabla autour de la volonté de faire la paix, Mahamat Idriss Deby a campé sur un registre de guerre, exposant son refus d’un vrai dialogue qui suppose de s’asseoir ensemble et où chaque partie avance vers l’autre en faisant des compromis. Il est ainsi conforté dans cette posture par le soutien français. La France, pays ami, a-t-il tenu, maintes fois, à répéter. Pays ami qui a mené une opération militaire en terre libyenne contre les positions du FACT.
Le rejet de toute discussion avec le FACT illustre bien sa volonté de leur faire la guerre en s’équipant lourdement. Sous tutelle française, le gouvernement s’essaye à une mascarade de dialogue sélectif et sous contrôle total parce que la violation de la constitution, l’illégalité de ce pouvoir gêne la diplomatie française. Le paradoxe du Président de la Transition, c’est qu’il utilise l’UA pour dire que celle-ci soutient leur action en n’ayant pas sanctionné la junte. Or, il oublie volontairement la crise ouverte avec l’UA, le refus de recevoir son envoyé spécial et aussi, faut-il le souligner la non présence de l’UA et des pays amis dans la médiation avec les politico-militaires.
La complaisance du journaliste a permis à M Mahamat Idriss Deby d’éviter les questions qui fâchent : pas de relance sur l’amnistie, les prisonniers de guerre exécutés, un dialogue national avec des organes à la solde du pouvoir et qui ne peut que faire des simples recommandations.
Encadré de mercenaires, hier à la solde de la Libye comme les Goukouni Weddeye, Acheikh Ibn Oumar et tant d’autres, récupérés pour servir, à nouveau, comme mercenaires et cette fois-ci pour la Francafrique. Il est alors mal placé pour traiter les gens de mercenaires. Idriss Deby lui-même, a été un mercenaire recruté par la DGSE, la Libye et le Soudan. Les fils du Tchad ont été utilisés comme mercenaires partout et cela continue.
Et c’est cette politique de mercenariat, de mise à disposition, des fils du Tchad pour des causes non nationales moyennant de l’argent, du soutien politique, qui lui a permis, lui, Mahamat Idriss Deby d’être choisi par la France pour continuer sur le chemin de son père.
Nous avons ainsi pu constater, qu’un homme a été bien programmé pour dérouler des réponses bien préparées pour saboter toute volonté réelle de paix.
Nous n’avons pu voir la moindre étincelle d’une vision personnelle propre au Président du CMT qui puisse donner l’espoir d’un changement dans notre pays. L’étau français est, de plus en plus visible, sur la conduite de la transition, sur le positionnement d’acteurs à sa solde pour parachever le processus d’accaparement des ressources. On a ainsi enrôlé partout pour que, de tous les côtés de la grande mangeoire, chacun puisse, cuillère à la main, se servir allègrement. Perdiems incroyables, indemnités affolantes, V8, énormes salaires. Le Président du CMT vient juste de prendre une nouvelle épouse avant son voyage à Paris. Rien n’est peu pour ce pouvoir de transition composé de prédateurs issus des entrailles du MPS.
La paix n’est pas pour, aujourd’hui, au Tchad.
La France a le pays entre les mains, une élite corrompue et sans patriotisme prête à se remplir les poches en sacrifiant les populations. Elle va tester donc son schéma de chamboulement du Tchad. Entre l’encouragement à ceux qui rêvent de fédéralisme, à qui, on a offert la possibilité de se défouler, à qui, on a présenté une simple tribune. Car c’est bien ce qu’est le DNI, un espace d’échanges et de propositions. De ce dialogue totalement contrôlé par les fonctionnaires du CMT ne sortira qu’un simple rapport au Premier Ministre. Autrement dit, de simples recommandations qu’on va ranger dans un tiroir pour passer à l’étape suivante ; à savoir la prolongation de la transition pour soi- disant tenir compte de tout ce qu’ont dit les rapports.
Ainsi, astucieusement, on a ouvert les vannes d’un débat sur les formes de l’Etat, pour faire diversion sur les graves lacunes du CMT. D’autant plus que les divergences sont nombreuses et les conflits couvent dans l’espace présidentiel entre les fils d’Idriss Deby et le Président du CMT.
L’architecture du pouvoir mis en place, a démontré que Mahamat Idriss Deby a opté pour une mise à l’écart de l’aile ambitieuse composée de Zakaria Deby, Saïd Deby, au profit de leurs cousins laissés en retrait sous le règne d’Idriss Deby. Il faut s’attendre à un grand clash. De nombreux petits clashs, pistolets en main, ont déjà été signalés.
On a assisté à une offensive médiatique autour du fédéralisme.
Nous reviendrons dans un dossier spécial sur la question du fédéralisme au Tchad.
Dans l’histoire du Tchad, Kamougué en a été le concepteur. Il faut dire que pour lui, fédéralisme signifiait sécession. A la faveur des évènements militaires, il s’est installé au Sud avec son armée, après avoir massacré des milliers de familles de tchadiens musulmans, toutes des populations civiles sans défense, il a créé le tristement célèbre Comité Permanent pour installer son fédéralisme à la sauce tchadienne.…
Le Comité Permanent a implosé à cause de sa gestion catastrophique ; détournements de fonds, pillage, favoritisme ethnique. Cet organe exécutif a donc failli, à sa mission d’organiser et de développer la zone méridionale.
Même échec en ce qui concerne la sécurisation de cette zone et la sécurité des populations. Une grande multiplication des hordes armées ; les Rouges les Taureaux, les Espoirs, tuant, pillant, rançonnant la population. Le Mayo- Kebi s’estimant lésé dans le partage du gâteau, menaçait à son tour de sécession. Bref, c’était l’anarchie totale. Et c’est ainsi que des Généraux du Comité Permanent ont préféré rejoindre le Président Habré.
41 années plus tard, la question du fédéralisme a-t-elle réellement progressé ou est–elle toujours cet espèce d’épouvantail que l’on agite de temps à autre pour finalement réaliser que c’est une coquille vide. On entend souvent que la première mesure ; c’est de chasser tous les musulmans du Sud. Tout un programme.
Qu’est devenu le Tchad en 41 années ? Sous quelle influence vit–il ? Les fédéralistes ont-ils fait une analyse géopolitique, économique, sociologique politique, militaire du Tchad par rapport à leur projet dont on ne voit aucune réflexion ni ébauche sérieuse. Les Fédéralistes disposent-ils d’hommes politiques engagés à se battre pour ce projet ? Kamougué a échoué et totalement discrédité par sa gestion, il a abandonné. Yorongar a, lui aussi, baissé les bras sans véritable adhésion à cette politique.
On s’interroge aussi sur les moyens choisis par les fédéralistes pour arriver à concrétiser ce projet. La recherche habituelle d’un parrainage de la France pour toute initiative, sera confrontée à la realpolitik de celle–ci.
A suivre.
LA REDACTION DE ZOOMTCHAD