Depuis bientôt 3 semaines, le pré-dialogue s’est ouvert à Doha. Après les difficultés autour du rôle du Qatar, on a avancé vers la mise en place, grosso modo, de trois groupes selon leurs affinités et leur vision de la paix, de la réconciliation et des conditions pour y arriver.
Ensuite, les groupes ont eu des rencontres avec le médiateur qatari. Les revendications ont été regroupés par thèmes. Si l’on retrouve les mêmes thèmes dans chaque groupe, il y a toutefois quelques différences selon les mouvements sur certaines questions. Enfin, les Qataris ont présenté l’ensemble des revendications au gouvernement tchadien. Pour l’essentiel, ces conditions pour la paix et de la réconciliation s’articulent comme suit avec nos commentaires.
Thème N°1: la sécurité.
Tous les groupes ont demandé avec insistance que leur sécurité soit garantie, au moment du dialogue national mais aussi après. Le gouvernement s’est engagé à respecter sa signature. Le FACT, et le groupe de Doha, semble-t-il, ont demandé qu’une force des Nations Unies assure la sécurité des politico-militaires. Sa faisabilité pose problème.
On pense que l’engagement du Qatar mais aussi d’autres pays comme l’UE, la France, l’UA, la CBLT, comme l’a exigé le Qatar, peut constituer une garantie pour la sécurité des politico-militaires, pour cela, il est indispensable que le Président du CMT pose sa signature sur ledit accord pour qu’il soit personnellement engagé à le faire respecter.
Thème N°2: la libération des prisonniers de guerre et les informations sur ceux qui ont disparu et que l’on pense qu’ils ont été exécutés.
Le gouvernement a répondu qu’il était prêt à libérer les prisonniers de guerre mais à condition que cela se fasse une fois que les accords sont signés et que les responsables des mouvements politico-militaires sont à Ndjamena. Le gouvernement veut éviter que les prisonniers libérés, repartent rejoindre le front de la rébellion.
Au sujet de la question des prisonniers exécutés, les Français ont soufflé l’argument des troubles dans la chaîne de commandement (on se rappelle que c’est l’argument fourni à Idriss Deby au moment de la mort de Ibn Oumar Mahamat Saleh) et que des éléments incontrôlés aient agi. Partant de là, le gouvernement indemnisera les familles.
Sur ce point, des indemnisations, Timane Erdimi estime que le gouvernement doit indemniser la mort de ses combattants lors de son offensive. On se rappelle que la France les a bombardés par ses mirages pour aider Idriss Deby.
Thème N°3: Demandes de postes et intégration dans l’armée des combattants en leur octroyant des grades.
Au sein des groupes, chaque mouvement a précisé ses demandes de poste. Ministères, Direction générale de grandes sociétés nationales, ambassades etc. A ce propos, le poste d’Ambassadeur du Tchad en France a été demandé à plusieurs reprises mais la délégation gouvernementale a dégagé en touche car ce poste très stratégique suppose un accord de la France sur la personne nommée. Il semble que le poste ait déjà été promis.
Force est de constater que, toute cette semaine, le gouvernement négocie en présence des médiateurs mais aussi dans les couloirs, dans des tête-à-tête, par des intermédiaires et tous les coups sont permis.
Les manœuvres d’affaiblissement de certains groupes ont été déployés d’où la crise ouverte au sein du CCSMR, le chef de la délégation s’est opposé au Chef du mouvement, absent à Doha, qui demandait, il y a 2 jours, la suspension de la participation de son mouvement au Pré-dialogue à Doha. On peut s’attendre à une autre scission dans ce mouvement. Un membre de l’Etat-major de l’UFDD a quitté le terrain pour rallier le pouvoir de N’Djamena. Autrement dit, des stratégies sont mises en mouvement parallèlement aux négociations autour de la table de Doha pour affaiblir les politico-militaires. La politique a toujours été un jeu de rapports de forces et chacun s’investit pour faire bouger les lignes. Par ces deux actes, les politico-militaires sont ainsi avertis.
Thème N°4: La modification de la Charte de la transition pour poser la règle interdisant au Président du CMT et à tous les membres du gouvernement d’être candidats aux élections présidentielles à venir.
Gros point d’achoppement avec le gouvernement. Il semble que les principaux groupes politico-militaires n’ont pas adhéré à cette proposition. Le FACT et le groupe de Doha l’ont clairement posée comme condition.
Alors, aux termes de nombreux échanges, pour contourner cette épineuse question , le gouvernement et les Français ont avancé l’idée d’être d’accord sur la prolongation de la transition de 5 ans pour permettre au Président du CMT d’appliquer les résolutions du dialogue National Inclusif , lequel devra travailler à une réorganisation des forces armées, à mettre en place une nouvelle constitution, un code électoral, permettre aux mouvements politico-militaires de se transformer en partis politiques pour intégrer le jeu démocratique . Ainsi, on veut regrouper le maximum de soutiens autour de cette prolongation de la transition qui ira jusqu’en 2027.
Selon certaines sources, cette question est presque pliée, elle ne devrait pas figurer sur les points d’accord, cela est somme toute logique. Ce sera une résolution du dialogue National qui sera soutenu par le MPS et leurs alliés, sans oublier les recrues qui vont remplir la salle, à cet effet, et cerise sur le gâteau, avec le soutien d’une large partie des politico-militaires. Trois voix sont discordantes, celle du groupe de Doha, du FACT et celle de l’UFR.
A propos de Timane Erdimi, un autre audio est sorti, il y a 48 heures, impossible à dater mais qui fait état de ses contacts avec la secte Boko Haram. Autant dire, que Timane Erdimi est, à nouveau sur la sellette, et ne sera, très probablement, pas au Dialogue National à N’djaména. Wait and see.
Ce qui se joue à Doha est très important, le pouvoir en place qui a des dissensions graves en interne voit en son sein une de ses ailes chercher à ne pas être débordée par l’arrivée des politico militaires à N’djaména et une autre partie aspirant à être renforcée par lesdits politico-militaires. Voilà le pourquoi des manœuvres souterraines.
Quelques observateurs ont évoqué un peu à la légère les négociations de Kano I et II qui ont vu la mise en place du GUNT pour les comparer à celles de Doha. Ces négociations ont été houleuses et invraisemblables avec l’implication ouverte et grossière de la Libye présente dans les couloirs par M Abdessalem Ali Triki, son ministre des Affaires Africaines qui distribuait ouvertement des valises bourrées de dollars à ses hommes liges des tendances politico-militaires. S’il est vrai que des négociations financières sont possibles, l’atmosphère et la situation politique ne sont pas les mêmes. Comparons ce qui est comparable.
Les accords de Doha ne vont certainement pas englobés tous ceux qui ont fait le déplacement et qui se sont assis à la table des négociations. C’est quelque part logique, en politique, compte tenu des divergences de fond et de la confiance qui n’existe pas entre certaines parties, il est parfois impossible de s’entendre. Au Tchad, une fois, les politico militaires rentrés avec leurs troupes, va se jouer la question de la stabilité du pouvoir du President du CMT.
En outre, compte tenu du retard pris dans les négociations au Qatar, on peut s’attendre à ce que la tenue du dialogue national inclusif soit repoussée une fois de plus Le retour au bercail de M Mahamat Zen Bada s’est accompagné par sa nomination au poste de Conseiller Spécial du Président du CMT. Il est évident que la feuille de route de M Zen Bada se décline en la préparation de la désignation du Président du CMT comme Président du MPS, un tremplin pour les Présidentielles. Nous y reviendrons.
Ainsi, il est incontestable que toutes les pierres sont posées çà et là en vue de la consolidation du pouvoir de Mahamat KAKA, pour une prolongation de la transition et une candidature aux élections présidentielles à venir .
LA REDACTION DE ZOOMTCHAD