Les choses se précisent au Tchad, la fin de la transition est pour le mois d’octobre, les négociations de Doha tirent vers la fin et le Dialogue National se prépare.
Finalement, la stratégie de l’usure a été très payante, la France, grâce à son haut représentant à Doha, l’ancien ambassadeur de France au Tchad, Bernard Foucher, a pesé de tout son poids, appuyé par le Qatar, par la délégation gouvernementale, mais aussi, par tous ceux qui travaillent pour elle ou pour le gouvernement, au sein des groupes politico-militaires. Quatre mois d’attente, sans beaucoup de travail, ce sont les négociations les plus longues des conflits tchado-tchadiens.
Que peut attendre le pays de cette rencontre ?
Pas grand-chose, à vrai dire, tellement l’absence de leadership, de vision pour le pays, de patriotisme est criard.
Aux termes de multiples va et vient du projet d’Accord, il ressort grosso modo qu’un Accord se fera autour : d’un programme de démobilisation, avec insertion des combattants dans l’armée. Ensuite, la sécurité des chefs des mouvements politico-militaires qui participeront au Dialogue National, sera confiée aux forces de la CBLT donc à des militaires non tchadiens, dans leur domicile, mais aussi pour leurs déplacements. En outre, leur participation effective est assurée au dialogue national et leurs contributions sont attendues.
Après le dialogue, un large gouvernement d’union nationale sera constitué et verra la participation des mouvements politico-militaires signataires de l’Accord de Doha. Il ressortira du Dialogue National que des résolutions vont élargir les pouvoirs du Premier Ministre. Il aura ainsi la charge de diriger ce gouvernement et de préparer les élections présidentielles. Mais, le Premier Ministre ne pourra pas être candidat à cette élection présidentielle, c’est la concession faite sur la demande d’une inéligibilité des membres de la Transition.
Et voilà, que les choses deviennent intéressantes. Le président du CMT sera-t-il alors candidat? Si oui, il devra alors prendre la direction du MPS pour se lancer dans la course présidentielle. Ou bien, autre hypothèse, ce sera Kerimo qui, déjà positionné, tout prêt du PCMT, en tant que Directeur du cabinet civil, va s’emparer du MPS pour se positionner à la candidature présidentielle.
Est-ce que cette hypothèse passera comme lettre à la poste ? Que fera le PCMT ? Acceptera-t-il de se contenter d’avoir l’Etat-major des forces armées tchadiennes ? On l’aurait donc utilisé pour chauffer la place à Kerimo ? Autant dire, que ce ne sera pas si facile. Sans compter qu’après 31 ans du clan Deby, le peuple tchadien aspire à autre chose. Force a été de constater que le PCMT n’a pas eu la tâche facile, tellement l’ambiance était électrique, pleine d’hostilités de la part de tout le clan Deby, qui se sentait en danger par la perte du pouvoir en quelque sorte. Aucun des fils d’Idriss Deby n’a jamais vraiment accepté le PCMT, même, au poste de Commandant de la garde présidentielle, puis de la DGSSIE, les conflits étaient récurrents, on ne peut même compter les clashs avec les fils d’Idriss Deby de son vivant.
À sa mort, en position de faiblesse, le clan familial et ses soutiens, ont dû accepter cette prise de pouvoir imposée par la France et ce malgré eux. Il n’est pas étonnant donc que tout le clan Deby se soit mobilisé pour encercler totalement le PCMT. De nombreuses personnes ont déploré l’impossibilité d’échanger avec le PCMT en tête â tête. Il y a toujours 2 membres du clan pour écouter. Toutes les nominations à des postes de responsabilité étaient suggérées par le staff du clan ou dans le cas contraire, les personnes nommées étaient malmenées, leurs demandes d’audiences refusées. L’objectif était simple, empêcher coûte que coûte que le PCMT s’entoure de personnes de confiance qui puissent le conseiller à poser des actes de redressement, sur de nombreux plans, pour le pays.
Le récent scandale du braquage de la SHT a fait que le Tchad est devenu la CASA DEL PAPEL, et démontre bien que la direction du cabinet civil ne fait pas son travail. A-t-on voulu discréditer le PCMT à l’approche de la fin de la transition ? Assurément ! Pour mieux préparer la candidature de Kerimo à l’élection Présidentielle? Forcément !
Alors, le « duel » aura-t-il lieu entre les deux « frères »?
Quelles sont leurs forces et leurs faiblesses ?
Mahamat Idriss Deby, PCMT, militaire de carrière, a fait ses preuves sur le terrain au Tchad dans les guerres contre les rebellions et au Mali ; c’est un atout majeur pour la stabilité et la sécurité des Tchadiens. Il est vrai qu’il n’a pas l’expérience de la machine administrative, de l’Etat. C’est un point faible qu’il pourrait compenser avec de bons conseillers à ses côtés.
A la mort d’Idriss Deby, il était le plus pauvre des fils de Deby même les filles de Deby étaient plus riches que lui. Autrement dit, on ne peut pas le qualifier de pilleur des ressources du pays. C’est un bon point pour lui.
Actuellement, la majorité des retours d’opposants s’est bien déroulée. Respect donc de la parole donnée. Et soulignons, la grande différence avec les exécutions sous Idriss Deby dès le retour des opposants malgré les accords signés avec lui.
De nombreux signes démontrent que le clan Deby Itno souhaite le voir marcher sur les pas d’Idriss Deby, pour l’enfoncer encore plus, alors, qu’il a tout intérêt à s’en éloigner le plus et être lui-même.
Habitués aux sorties tapageuses d’Idriss Déby, les gens lui reprochent d’être trop calme. C’est un militaire, pas très à l’aise, devant un micro et il a dû apprendre à parler politique quand il n’en a jamais fait, ce fut un exercice difficile.
Là aussi, on va souligner l’absence de travail du directeur de cabinet, M Kerimo ! Faut-il s’en étonner ? On voit que ce dernier occupe une place plutôt que n’exerce une fonction au service du PCMT. Il est important de le comprendre.
Le PCMT a montré qu’il pouvait prendre de fortes décisions avec la destitution du SP dans l’affaire des détournements incroyables à la SHT. Il a ainsi rappelé qu’il était le Chef et n’acceptait pas qu’on abusa de sa confiance.
S’il avait une carte à jouer ; ce serait celle de se consolider militairement pour écarter l’étau du clan Deby qui cherche à le faire échouer en l’étouffant, en l’isolant pour l’empêcher d’avancer et de se donner une chance de changer le pays.
Abdelkerim Idriss Deby dit Kerimo, est lui aussi militaire, de formation aux États Unis mais sans descente sur le terrain au Tchad, sans connaissance de l’armée tchadienne et donc sans autorité sur elle. C’est un énorme point faible dans un pays où les militaires sont au cœur du jeu politique.
Il est un homme qui agit par intermédiaires et dispose d’une pléthore de courtisans à son service. Il a été Directeur de cabinet de son père, a eu à voyager pour des missions spéciales. Idriss Deby, blasé, par la nomination d’un de ses fils Zakaria à la tête de la défunte compagnie aérienne tchadienne, qui fut pillée, désossée et mise en faillite en un temps record, a ainsi renoncé à une grande visibilité de ses fils dans des positions politiques. Cette déception explique le retard à designer l’un de ses fils au poste de Vice-Président. On a ainsi du côté français, laissé entendre qu’Idriss Deby avait changé d’avis et voulait désigner Hinda, son épouse, comme Vice -Présidente du Tchad.
Le futur candidat Kerimo a une immense fortune constituée largement du partage des revenus pétroliers et des ordres de transferts directs du Trésor Public à des comptes qu’il contrôle.
Malgré sa position en tant que Directeur de cabinet de Deby, puis directeur de cabinet du PCMT, il ne semble pas avoir capitalisé une expérience administrative ni une connaissance dans la gestion de l’État. Il est dans l’ombre du PCMT, le suit partout. Pour demain prendre sa place ? Possible.
Les deux hommes sont en bonne entente avec la France et dérouleront son programme pour le Tchad. Sur ce point, match nul.
Quoi d’étonnant qu’on ait attribué au Haut représentant de la France à Doha, ces paroles : « Le prochain Président du Tchad sera, soit le PCMT, soit Kerimo »
A ceux qui rêvent de changement, ce n’est pas pour rien que la France ait placé pendant 4 mois son diplomate pour contrôler le processus et veiller au grain.
Elle a ainsi décidé que toutes les questions qui fâchent, soient tout simplement transférées au Dialogue National. Il s’agit de l’inéligibilité des membres de la transition, de la question des prisonniers exécutés, on a même avancé l’idée d’une Commission Vérité et Réconciliation.
Les crimes d’Idriss Deby auxquels la France est mêlée, resteront donc impunis. Jusqu’à quand ?
Et, on n’a plus besoin de justice pour se réconcilier, la mafia disait le contraire pour éliminer le President Habré.
Enfin, la France manœuvre contre le FACT et son chef MAHADI dans la mesure où elle sait que ce dernier ne sera pas à Ndjaména, n’ayant pas fait le déplacement à Doha pour des raisons de sécurité.
Deux magistrats belges ont fait le déplacement à Ndjaména ( pour le compte de la France ) et ont interrogé longuement les prisonniers du FACT, autour de leur offensive sur Ndjaména : ils ont même pris les empreintes des combattants dont certains, très jeunes, pour monter des dossiers d’enrôlement d’enfants dans la guerre (exactement comme pour Mahamat Nouri qui demeure toujours poursuivi en France et ce jusqu’à la veille de poser sa signature sur l’Accord de paix à Doha), sans compter que les combattants du FACT ont été aussi interrogés autour des circonstances de la mort d’Idriss Deby, les services français veulent monter une plainte auprès de la CPI contre Mahadi pour le mettre en danger dans ses déplacements .
Du Napalm dans les montagnes du Tibesti, de l’empoisonnement des puits dans le Sahara, de sa responsabilité dans la mort du Président Habré , la France au Tchad peut-elle changer ses méthodes? Le Dialogue National Inclusif et souverain ne saurait éviter de parler de sa politique, au pays des Sao, car elle fait partie du mal Tchadien.
LA REDACTION DE ZOOMTCHAD