La Rédaction de ZoomTchad a épluché les différents rapports parus récemment sur la gestion des revenus pétroliers et vous propose une synthèse importante pour comprendre comment, après que le Tchad ait encaissé des milliards et des milliards, au titre des revenus pétroliers, une dizaine de personnes aux commandes du pays, ont pu ruiner totalement l’avenir de tout un peuple et hypothéquer gravement son quotidien.
Cette synthèse est utile dans la mesure où nous apprenons que l’ONG SWISSAID a retiré de son site, son rapport intitulé « TCHAD S.A. » L’ogre Glencore, les émotions des voleurs de la République, tout y est dans ce retrait mais qu’importe. Le rapport est déjà largement sur le net et le restera. Son contenu n’a pas été retiré et c’est l’essentiel. Il est vrai que l’ogre Glencore et le pouvoir DEBY ont été tous épinglés pour manque total de transparence dans la gestion des revenus pétroliers. Pas de chiffres de vente du pétrole, pas d’audit financier, aucun montant publié. Un système mafieux, car après avoir lu ce texte, vous comprendrez qu’il est clair que les dirigeants tchadiens et ceux de Glencore s’entendent pour monter des opérations financières dont l’objectif est de s’enrichir mutuellement sur le dos des populations. Une entente scandaleuse qui se développe dans l’opacité la plus totale au sein d’une république bananière.
En 2000, la Banque Mondiale donne son label pour le projet.
Tout commence en juin 2000, quand la Banque Mondiale donne son feu vert pour le projet pétrolier, le plus important en Afrique Subsaharienne, l’institution financière espérait une réduction de la pauvreté et un soutien en faveur du développement durable.
Le Consortium pétrolier qui se positionne pour l’exploitation de l’or noir tchadien, est constitué par EXXON Mobil avec 40%, Pétronas 35% et Chevron 25% . La Banque Mondiale prête 900 milliards de dollars US, mais aussi, met sur la balance son label de qualité pour la réussite du projet.
En 2003, le pétrole coule, un plan de gestion des revenus pétroliers par le gouvernement est inscrit dans une loi spéciale. Les dispositions suivantes y sont insérées : 10 % des revenus seront gardés pour les générations futures. 90% déposés à la banque Centrale pour que 80% soient destinés aux secteurs prioritaires que sont la santé, l’éducation, la formation pour tirer profit des secteurs économiques développés grâce aux revenus pétroliers. Ensuite, 5% des recettes pétrolières seront pour des investissements dans la région pétrolière. Et enfin, 15% pour les caisses de l’Etat.
Mais en 2006, Idriss DEBY ne tient pas parole et brise l’Accord avec la Banque Mondiale.
Il supprime le fonds pour les générations futures. Désormais, 30% iront dans les caisses de l’Etat et les secteurs prioritaires visés que sont la santé et l’éducation, DEBY les remplacera par la sécurité autrement dit, l’achat d’armes de guerre. La Banque Mondiale proteste mais se retire du projet du « siècle » en exigeant toutefois d’être intégralement remboursée du prêt consenti. Compte tenu du prix élevé du baril, Idriss DEBY, voulant aussi éviter des complications avec la Banque Mondiale, s’exécute en 2008, sans demande de moratoire.
En août 2006, la société d’hydrocarbures du Tchad (SHT)est créée. Elle est aux mains du Tchad à 100%. La SHT dispose d’un large mandat. Elle peut faire de l’exploitation, de la production, du développement, du stockage, du raffinage, du transport et de la vente du pétrole brut de l’Etat.
En 2007, les Chinois arrivent par la CNPCI et achètent un bloc pétrolier qui comprend 7 champs pétroliers au Nord et au Sud de Ndjamena.
Les Chinois ont déjà acquis 50% des parts du bloc précité en 2003 et viennent en 2007 d’acheter les 50% restants. Dans la foulée, la CNPCI signe un accord avec le Tchad pour construire une raffinerie.
En Avril 2007, le Tchad adopte une nouvelle loi sur le pétrole qui crée un nouveau régime fiscal; les accords de partage de la production (PSA, Production Sharing Agreements).
Ainsi donc, les licences d’exploitation accordées jusqu’en 2007 conservent le même régime fiscal. Mais après 2007, tout se fera sous la forme de PSA, autrement dit, le Tchad et les sociétés pétrolières se partagent le pétrole brut selon une clé de répartition. Il revient désormais à la SHT d’encaisser les paiements en cash ou en pétrole brut des 2 régimes fiscaux avant et après 2007.
En 2011, GRIFFITHS entre en scène.
La société canadienne à travers deux de ses filiales concluent 3 accords de partage de la production (PSA) entre janvier et août 2011. GRIFFITHS a 75 % et la SHT a 25 %.
En Mai 2011, la raffinerie des Chinois démarre la production. Un oléoduc est construit sur 311km jusqu’à Djermaya. Le coût de la raffinerie s’élèvera à 600 millions de dollars US, sa capacité est de 20000 barils/jour. Le gouvernement tchadien a annoncé que 60% des parts appartiennent à la CNPCI, le Tchad représenté par la SHT en détient 40%. Sur ce point, rappelons qu’Idriss DEBY lors d’une rencontre sur la crise financière en début d’année 2017, a révélé que le Tchad n’a pas pu libéré l’argent représentant les 40% des parts et que, par conséquent les 100% des parts appartiennent aux Chinois.
Le gouvernement tchadien conclut un accord avec les Chinois qui prévoit que toutes les livraisons de la CNPCI à la raffinerie sont exemptées des droits de licence .En contrepartie, la raffinerie donne gratuitement du kérosène et du diesel à l’armée tchadienne et à la société tchadienne d’électricité.
En 2012, le gouvernement tchadien qui reçoit en cash le paiement de la licence des concessions pétrolières de DOBA et de l’accord PSA, demande à être désormais payé en nature, c’est-à-dire en pétrole brut. Précisons qu’en 2011, la SHT a vu son mandat s’élargir à la vente du pétrole brut. Elle reçoit ainsi une part importante de pétrole brut.
La société Glencore , en septembre 2012, achète 25% de l’accord PSA de GRIFFITHS qui en avait 75%. Ce rachat se conclut à 300 millions de dollars US. Puis, Glencore va continuer d’augmenter ses parts à 33,3% des blocs pétroliers Mangara et Doh. A nouveau, en juin 2013, Glencore va racheter 10% des parts du Tchad.
Des experts ont démontré que la valeur des parts achetées par Glencore était supérieure de plus de 15 % par rapport au prix payé par Glencore.
En 2012, Glencore démarre la production pétrolière.
Trois mois plus tard, la SHT signe un accord avec une filiale de Glencore pour que cette société se charge de la vente du pétrole brut collecté par le Tchad dans les différentes concessions. Le contrat de vente du pétrole entre la SHT et Glencore n’est pas rendu public. En septembre 2013, Glencore annonce détenir 90% des droits de vente du pétrole brut du Tchad. Glencore, le mastodonte suisse étend ses tentacules.
Glencore possède des permis d’exploitation, fait de la production de pétrole au Tchad. Et, c’est encore Glencore qui détient les droits de vente des parts du pétrole qui reviennent au Tchad et comme on le verra, Glencore devient aussi le banquier du gouvernement tchadien en lui prêtant de l’argent. En mai 2013, Glencore prête au Tchad 300 millions de dollars US, puis en août 2013 à nouveau 300 millions de dollars US.
Les modalités de remboursement de ce prêt sont les suivantes. D’abord, la date limite de remboursement est fixée à fin 2015, sous forme de livraison par la SHT à Glencore de 70% de pétrole brut qu’elle reçoit comme redevance par le Consortium de Doba.
Tous les partenaires au développement, la Banque Mondiale, le FMI critiquent le montage de ce prêt. Le ministre des finances explique que c’est pour financer l’intervention du Tchad au Mali !! Des députés tchadiens s’indignent mais rien ne change, Idriss DEBY sacrifie tous les intérêts du pays, obsédé par la volonté de s’acheter une légitimité par une expédition militaire au Mali.
Outre-Atlantique, la société Griffiths a de sérieux problèmes. Ses dirigeants avaient corrompu l’Ambassadeur du Tchad à Washington M Mahamoud Adam Bechir( actuel ambassadeur du Tchad en Afrique du Sud), marié, à l’époque, à la fille de Deby, en lui versant des pots de vin d’un montant de 2 millions de dollars US pour avoir un permis d’exploitation au Tchad. Griffiths sera condamné à payer une amende de 10 millions de dollars US. Le patron de Griffiths meurt dans un accident, le nouvel acquéreur change le nom de la société qui devient Caracal.
La nouvelle société Caracal est immédiatement rachetée par Glencore qui, par ce rachat fait automatiquement grimper ses parts,dans la mesure où les parts de Caracal(ex- Griffiths) tombent aussi dans son panier. Glencore a donc 85% des parts de Badia et Mangara et la SHT est à 15%.
En 2014, un accord spectaculaire est conclu entre le gouvernement tchadien et Glencore.
Trois personnes vont négocier cet accord. Il s’agit de M Orozi Fodeibo( homme de Deby) le ministre Le Bémadjiel et Mahamat Kasser Younous (hommes de Hinda).
La SHT a fait un plan de rachat de 25 % des parts de Chevron, donc de la totalité des parts de Chevron mais la SHT n’a pas d’argent. Glencore va donc jouer au banquier pour le Tchad malgré la présence de nombreuses banques dans la capitale, c’est Glencore qui est choisi par la SHT et va prêter 1,3 milliards de dollars US.
Le même schéma de remboursement est inlassablement reconduit comme toujours, le prêt doit être remboursé en pétrole brut, par la livraison de 90% de pétrole de la part de la SHT dans le pétrole de Doba pendant 4 ans.
Des spécialistes estiment que le Tchad s’est fait rouler dans la farine par Chevron car non seulement, la production a chuté, exigeant de plus en plus d’investissement pour maintenir le niveau de production mais les cours du baril sont dans une courbe descendante. Chevron n’avait plus aucun intérêt à rester au Tchad.
Parmi ces trois personnes qui ont négocié pour le Tchad, il y a eu une personne qui a agi pour le compte de Chevron, pour pousser le Tchad a racheté des parts qui n’avaient plus d’intérêt. Qui c’était?
Fin 2014, la catastrophe arrive avec la chute vertigineuse des cours du Pétrole. Le prix du baril passe de 108 $ à 50 puis 30 $ en janvier 2016.
Les autorités tchadiennes plongent dans un gouffre financier, négocient et renégocient les échéances. La SHT voit ses gains fondre et ne plus suffire, à rembourser la dette contractée auprès de Glencore. Le remboursement est repoussé jusqu’en 2022.
La situation du Tchad est une profonde abîme économique. L’avenir est compromis, le pétrole du Tchad sera gagé en très grande partie, pendant des années encore, auprès de Glencore qui a désormais, entre les mains une part très importante de l’or noir tchadien.
Voilà résumé l’histoire d’un échec lamentable et unique en son genre dans ce XXI ème siècle. Le pouvoir d’Idriss DEBY a encaissé depuis 2003, 13 milliards de dollars US. Aujourd’hui, où sont passés les milliards du pétrole tchadien? On a le droit de poser cette question, car il n’y a pas eu de réduction de la pauvreté, ni le moindre indice d’espoir de développement durable.
Sans arrêt, la propagande gouvernementale fait état de la construction de routes et d’infrastructures. La qualité et l’utilité pour toute l’économie de ces investissements reste à démontrer au vu des détournements massifs et des surfacturations scandaleuses qui les accompagnent.
Le Tchad a, sans cesse, chuté dans le classement des indicateurs de développement et ce, dans tous les domaines: santé maternelle et infantile, scolarisation, droits, accès aux soins primaires, accès à l’eau potable, corruption, non transparence, répressions, insécurité. Le Tchad était toujours le dernier des derniers. Des dépenses de prestige qui sont l’expression d’une mégalomanie délirante ont été engagées par Idriss DEBY. La fameuse « Cité des Affaires » a coûté soi-disant 900 millions d’euros, elle est inachevée, à l’abandon, elle devait accueillir le Sommet de l’Union Africaine. Un fiasco mais surtout une opération de détournements des revenus pétroliers à grande échelle, sous couvert d’infrastructures dont le montant est scandaleusement surfacturé.
Autre folie et non des moindres, la construction d’une nouvelle ville, là aussi surévaluée à 594 milliards de FCFA, volés aux populations tchadiennes et encore là aussi, tout est abandonné et de nouvelle ville, il n’y eût point.
Il est important de relever le rôle de Glencore dans les magouilles qui entourent le secteur pétrolier et de le rapprocher de celui joué par l’architecte sénégalais Atepa Goudiaby dans les infrastructures . Les responsables tchadiens choisissent une seule société et s’entendent avec elle pour lui confier la quasi totalité des marchés de l’Etat moyennant une surfacturation et aux termes de ces malversations, une grande partie des sommes surévaluées est ainsi rétrocédée aux autorités tchadiennes.
La majorité des populations tchadiennes des zones pétrolières ont exprimé n’avoir absolument rien tiré de cette exploitation du pétrole. Leurs conditions de vie se sont détériorées tant par rapport à leur santé, leur environnement et la perte de leurs terres arables les a plongées dans la recherche désespérée de moyens de subsistance.
Pendant ce temps, comme vous le verrez sur ce graphique incroyable, une poignée de personnes sont devenues multimilliardaires. Elles sont issues de trois familles. Les ITNO, les ACYL et les BOURMA qui ont fait main basse sur le Tchad.
En mai 2014, M Hissein Bourma a fait un dépôt de 540 000 dollars US en Floride pour acquérir un hôtel; il voulait avoir le statut de « Immigrant Investor ». Mais, en raison du flou et des irrégularités qui entourent cet argent, la US Homeland Security lui a refusé ce statut. (Voir document) M Hissein Bourma s’est rendu aussi au Caire, où il a eu des problèmes car à l’aéroport dans le double fond de sa valise, 200 mille euros ont été découverts. Il a affirmé que cet argent appartenait à Hinda Deby. Et, nous avons la dernière initiative du clan des Bourma, au Canada dans l’achat de biens immobiliers pour des millions de dollars canadiens.Là aussi l’objectif était d’obtenir le statut « d’Immigrant Investor « ,des opérations révélées par un organisme canadien.
Comme chacun peut le constater, après avoir mis à terre le pays, pillé tous les revenus pétroliers, les prédateurs de la république MPS cherchent à se planquer, à blanchir l’argent volé et à s’assurer une retraite dorée. M Hissein Bourma est leur missi dominici, il parcourt les pays pour trouver des planques. On pourra aussi souligner que c’est la même démarche qui a animé la demande de nationalité française en faveur de Hinda DEBY, à François Hollande par Idriss Deby.
Le régime d’Idriss DEBY a été considéré parmi les plus répressifs sur la planète, seule la situation en Syrie est pire, affirme un organisme américain cité par Swissaid. Il est aussi l’un des plus corrompus selon Transparency International. Le fameux « Je ne vous apporte ni or ni argent mais la liberté « est une pure dérision .Son pouvoir est celui qui pratique le népotisme et le clientélisme les plus abjects du continent africain.
Dans la partie, reportage du rapport, les Tchadiens interrogés, ont déclaré vivre moins bien qu’avant l’extraction du pétrole. 38% de la population vit avec moins de 2 dollars US par jour. Et l’exploitation du pétrole n’y a rien changé.
Ce désastre économique, cette faillite politique et sociale est, avant tout, l’histoire du positionnement à la tête de l’Etat, d’un homme incapable de faire face à des défis aussi importants que le développement de son pays en profitant des revenus pétroliers. Idriss DEBY n’avait pas les capacités intellectuelles pour penser un schéma de développement, pas plus qu’il ne pouvait être un bon manager et s’entourer de cadres compétents pour améliorer les conditions de vie des populations tchadiennes.
Regardez bien ce graphique, il résume à lui tout seul, plus que mille mots, ce qu’est le régime d’Idriss DEBY.
Sur 12 millions de tchadiens, il a positionné les membres de sa famille et de sa belle famille à tous les postes clés: et, par ce maillage étroit, la plus grande part de la richesse du Tchad a été accaparée par ce groupe d’une dizaine de personnes qui ont, ainsi, pillé de manière inimaginable et unique au monde, ce pauvre pays riche.
Cette catastrophe économique, c’est l’histoire d’une malédiction qui porte le nom d’Idriss DEBY.
La Rédaction de ZoomTchad.